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Le procès Tonglet-Castellano : une étape décisive dans la reconnaissance du viol comme un crime



Parmi les moments historiques du combat féministe figure sans aucun doute le procès de l’affaire Tonglet-Castellano en 1978 qui a permis la reconnaissance du viol comme un crime, grâce à l'engagement sans limite de l’avocate féministe Gisèle Halimi. Ce procès, à la rencontre de plusieurs enjeux féministes, a marqué un tournant dans l’histoire de la condition de la Femme en France et permet aujourd’hui de mesurer le chemin parcouru. Voyons pourquoi.

Tout d’abord un rappel des faits. En août 1974 un couple de deux jeunes femmes belges, Anne Tonglet et Araceli Castellano, âgées de 19 et 24 ans décide de passer leurs vacances dans le sud de la France près de Marseille. Leur projet est alors de rejoindre le camp naturiste de Sugiton mais le vent les incite à camper à Morgiou. Nous sommes alors le 20 août au soir et un jeune homme, Serge Petrilli, vient les importuner. Bien qu’éconduit une première fois celui-ci revient tout de même le lendemain, sans plus de succès auprès des jeunes. C’est la nuit suivante, celle du 21 août, qu’il revient alors accompagné de deux amis, Guy Roger et Albert Mouglalis, pour s’introduire dans la tente des deux jeunes femmes et les violer. Le viol et les sévices sexuels qui leur sont infligés dureront cinq heures. Araceli Castellano se retrouvera enceinte suite à ces viols. Elle parviendra à avorter grâce à l'aide d'un médecin, l’IVG étant alors illégale en Belgique.

C’est le 2 mai 1978 que s’ouvre le procès des agresseurs. Les deux jeunes femmes ont demandé à être défendues notamment par Gisèle Halimi en raison de sa grande notoriété en matière de défense des droits des femmes. Les accusés feront reposer leur défense sur le prétendu consentement des victimes et leur provocation, ce qui conduira le parquet à qualifier d’abord les faits en coups et blessures, délits relevant du tribunal correctionnel. Gisèle Halimi et les deux autres avocates, Anne-Marie Krywin et Marie-Thérèse Cuvelier, parviennent à amener le tribunal correctionnel de Marseille à se déclarer incompétent et à faire renvoyer l’affaire devant une cour d’assises. Comme elle l’avait fait précédemment avec le procès Bobigny sur l’avortement, Gisèle Halimi refuse le huis clos pour faire entendre la voix de ces femmes. Les débats très vifs sont donc suivis avec beaucoup d’attention et les médias se déchaînent sur cette affaire. Les victimes sont les cibles de nombreuses attaques et leur homosexualité, dans cette France de 1978, n’adoucit pas l’opinion publique à leur égard. Gisèle Halimi et ses consœurs sont insultées et reçoivent des crachats. Plusieurs groupes féministes manifestent leur soutien aux victimes et leurs avocates. Après le deuxième jour, le verdict est rendu : Petrilli est le seul condamné pour viol avec une peine de 6 ans de prison. Les deux autres agresseurs sont condamnés à 4 ans de prison pour tentative de viol.

Le verdict de ce procès qui est le fruit du travail acharné et de la détermination des avocates des victimes, au premier rang desquelles Gisèle Halimi, a permis à la justice de faire une avancée historique à l’égard des victimes de viol. En effet, dans la suite de ce procès et d’autres affaires similaires, est adoptée en 1980 une loi pénalisant le crime de viol et cela au-delà de la seule relation vaginale imposée. C’est donc l’acte de pénétration qui caractérise le viol. En France aujourd’hui le viol est puni d’une peine pouvant aller de 15 ans à 20 ans de réclusion criminelle. Cependant il demeure un fléau puisque selon les chiffres officiels chaque année 94 000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol.

Les progrès dans la protection des droits des femmes, qui nous semblent aujourd’hui acquis et relevant même du sens commun, sont, comme on peut le voir dans le cas de ce procès, le résultat de l’implication inébranlable de personnalités remarquables, engagées au plus profond de leur chair. Il serait dangereux de croire que ces acquis se sont faits progressivement et de façon consensuelle. Ils sont au contraire issus de combats très violents, qui continuent aujourd’hui. Gisèle Halimi, qui nous a quitté en juillet 2020 à 93 ans, fait partie de ces personnalités qui ont joué un rôle considérable dans la protection des droits des femmes. Elle a été notamment la seule avocate à signer le manifeste des 343 de 1971 et a grandement contribué à l’adoption de la loi Veil de 1975 en ayant permis l’acquittement de plusieurs femmes accusées d’avortement illégal lors du procès de Bobigny en 1972.

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